A l’occasion du stage qui a eu lieu à PARIS en avril 2015 avec Tristao Da Cunha Sensei, ce dernier fut interviewé par Paul Benita, enseignant au Dojo Tenchi qui organisa l’événement.
Cet interview est publié sur la revue
« DRAGON Magazine – Spécial AIKIDO » N°9
En voici un petit extrait instructif sur la personnalité de ce grand enseignant. Tristan revient en particulier sur la relation entre l’Aikido et l’agriculture à échelle humaine telle qu’elle était pratiquée par le fondateur de l’Aikido puis la famille SAITO…
DRAGON MAGAZINE : A quoi ressemble l(une de vos journées typiques au Portugal ?
Tristao Da CUNHA : Mes journées ? Maintenant, étant plus vieux, je me réveille beaucoup plus tard. Je me lève à 5h45 et je me rends au dojo. Parfois il y a des uchi-deshi, et ils ont déjà commencé à faire le ménage, alors je les aide… S’il n’y en a pas c’est moi qui m’en charge puis j’attends les élèves. Le premier cours est de 7 heures à 8h15. et ensuite il y a parfois un « cours libre » ou des cours de shuriken… Ensuite, c’est la douche, le petit déjeuner, mais seulement après avoir nettoyé le dojo bien-sûr. Puis, on fait quelques travaux, car nous n’avons toujours pas fini de construire notre dojo actuel.
Ensuite, j’ai beaucoup de travail, avec l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale pour semer pour Iwama Shinshin Aiki Shurenkai, et aussi pour Portugal Aikishurendojo Et ensuite, c’est tout, je m’occupe un peu de ma famille. Je vais voir ma tante qui est une très vieille dame maintenant… Le soir, à nouveau le cours de 19h00 à 20h15. J’enseigne aux enfants deux fois par semaine, le mardi et le samedi. J’adore ça… car ils ont envie d’apprendre : ils ont envie de jouer et ils ont envie d’apprendre. Aujourd’hui, au stage, j’ai fait l’échauffement des enfants qui est très, très fatiguant (rires) mais c’est bon, ça vous maintient en forme. Et voilà…
Depuis celle année, non pardon, depuis l’an dernier je m’accorde une journée de « liberté » par semaine, parce qu’après trente ans d’Aïkido j’ai bien droit à une journée de repos. C’est le mardi. Mais bien sûr, ce n’est pas vraiment une journée de repos. Dès que j’ouvre mon ordinateur, il y a tous ces mails, tous ces gens qui demandent ci ou ça. Comment fait-on pour joindre Sensei… Ah Mama mia ! (Rires) Donc, je travaille à peu près huit heures. Je donne des stages aussi, ici au Portugal et beaucoup en Amérique du Sud. Le soir, je vas me coucher vers 11h et le lendemain, ça recommence. C’est un moment agréable quand je me couche. Je lis peut-être une demi-heure… ça me détend.
L’Iwana ShinShin Aiki Shurenkai qu’a créée Hitohira SAITO Senseï est devenue une organisation très forte et très connue. Et elle va continuer à grandir.
– Tristao Da Cunha 04/2015
DRAGON MAGAZINE : Pendant le stage, vous avez dit que vous écrivez des poèmes…
Tristao Da CUNHA : […] J’écris beaucoup de choses, pas vraiment sur l’Aïkido… l’Aïkido c’est tout, alors… je tiens un petit blog où j’écris sur tout ce que j’aime, tout ce qui m’intéresse… J’écris depuis très longtemps, depuis l’âge de seize ans… J’aime cette façon de s’exprimer… je note mes idées… Et si une idée me paraît bonne, je me dis : « OK, tu peux en faire une histoire. »
Oui, il faut remplir sa vie avec tout, pas seulement avec l’entraînement au dojo. Salto Sensei disait que l’Aïkido n’est pas seulement une technique mais que c’est une culture japonaise, voilà pourquoi il nous apprenait à cuisiner… Comment couper les bambous comment couper les carottes. Il fallait apprendre à cuire la nourriture japonaise parce que ça faisait partie de l’Aïkido. Il tenait aussi à nous apprendre à travailler la terre, à jardiner… Cette idée : la terre, le ciel et les gens ça donne un triangle. On en parlait souvent. Tout est important dans l’Aikido. Pour moi par exemple, l’Aïkido sans l’agriculture, ce n’est pas concevable. Nous avons eu une aiki-farm, une « ferme de l’Aiki », pendant six ou sept ans et nous sommes en négociation pour en avoir une autre. Pour moi, c’est absolument nécessaire cette idée de donner la vie. Comme Takemusu, donner la vie. Qu’est-ce qui donne la vie en premier ? La terre ! On ne peut donc pas dissocier l’Aïkido et l’Agriculture. En ce moment, je peux juste m’occuper du jardin de ma tante et aussi de quelques jardins publics… Mais parfois mes voisins sont plus rapides que moi et ils prennent mes courgettes (Rires) Mais je continue… pour le plaisir d’expérimenter. Il faut que ce soit ainsi ! Il n’y a aucune rupture entre l’Aïkido et le travail de la terre. Tout corme le lien avec les enfants. La technique, l’agriculture, la cuisine, tout ça c’est lié. Si vous cuisinez. ça veut dire que vous avez une maison, un endroit où cuisiner… que vous avez une vie ! Il faut l’enrichir. II y a de nombreuses façons d’enrichir sa vie… J’aimerais chanter mais ma voix est abominable (rires). […]
SAITO Sensei derrière les pas de son maître dans les champs d’Iwama.
Photo © aikidojournal.com
Quand on commence à travailler la terre, on se sent utile et on se sent bien. L’histoire d’O’Sensei est remplie d’agriculture… à Hokkaido, à Iwama. Il avait de tout : du riz, des vers â soie, des fruits, des légumes… Tout le monde était très très occupé et tout tournait autour de l’agriculture. C’est pareil aujourd’hui. Hitohira Sensei fait tout lui-même : il fait pousser son propre riz, son propre blé. Il fait lui-même son saké, son pain, son miso, c’est incroyable… Il a aussi des poulets… Dès qu’il quitte le cours, il va travailler dans ses potagers. Ses mains sont toutes calleuses. C’est très important. Tout le monde devrait relier l’Aïkido au travail de la terre et à la cuisine. Le meilleur moyen de rendre ses amis heureux c’est de les inviter à manger […] Vous connaissez ce projet slow food [ndlr SlowFood.fr] qui est en train de se développer ? Manger de vrais légumes, des choses que l’on fait pousser soi-même et non dans ces grosses fermes industrielles. Les faire cuire lentement. Apprécier les saveurs. Sensei dit parfois que son Aïkido est du Slow Aïkido. Il faut du temps en Aikido, comme pour la nouriture, il faut du temps pour apprécier, développer le Kokyu. Nos techniques sont de bonnes techniques : elles poussent lentement. […] Il faut du temps pour tout. Vous comprenez ? On ne fait pas pousser du blé en une nuit. Il faut être patient. Et tout ce qui est en train de pousser maintenant, c’est grâce à Morihiro SAITO Sensei qui a gardé quelque chose en vie et à son fils Hitohira Sensei qui l’a préservé. Et maintenant. ça se développe…
Merci à Paul Bénita, enseignant à l’Association Tenchi, 25Bd de Strasbourg à Paris qui a réalisé cette interview que vous pouvez retrouver dans son intégralité en kiosque.
Tristan Da Cunha sera de retour en France, fin septembre 2015, dans la région de Nice sur l’invitation de Eric Savalli – Aiki Dojo Azur.
Plus d’infos : Stage avec Tristao Da Cunha – Nice 2015
Publiched 13 septembre 2015 – Last Updated on 13 septembre 2015 by Eric Savalli / Aikido Blog .net
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